21/04/2008 Qui perd gagne (partie 1/4)
Qui perd gagne.
21 avril 2008
C'était la finale tant attendue du championnat de tennis de table. Je m'étais entrainée sans relâche pendant des mois pour atteindre le haut de l'échelle.
Cela faisait bientôt six mois que Constance m'avait quittée et je n'avais pas vraiment eu le temps d'en souffrir tant les entrainements me prenaient tout mon temps et ma réflexion. J'avais un mental d'enfer, rien ni personne ne pouvait me résister. Je me sentais invincible et prête à éliminer tous mes adversaires. D'ailleurs, c'est ce qu'il s'est passé jusqu'à cette fameuse finale MAHN-ESPERANTO.
Techniquement, j'étais parfaite ; aucun jeu adverse ne pouvait m'impressionner ; je me sentais parée à contre-attaquer toutes les concurrentes potentielles. Mon entraineuse et moi avions tout envisagé sauf LE détail qui, pourtant, m'a fait perdre tous mes moyens ce jour-là : la présence de Constance !
Je menais largement jusqu'à cet instant où en pleine concentration avant l'engagement, une admiratrice a hurlé « Marie, t'es la meilleure : on t'aaaaaaaime ! » Je me suis stoppée net dans mon élan. Et j'ai commis l'erreur irréparable de me retourner afin de rendre par un sourire et un petit geste de tendresse toute l'affection que venait de me témoigner cette voix inconnue.
C'est à cet instant que mon regard a croisé celui de Constance assise aux côtés de sa maman et de sa sœur. Toute la famille s'était réunie pour me voir gagner ? Ou perdre ? Mon sourire s'est figé. Ma concentration s'est alors réduite à néant.
Elle qui m'avait ignoré tous ces mois, elle était présente pour la finale.
Elle avait fait la sourde oreille à tous mes témoignages d'affection et surtout à ma demande que l'on devienne simplement amies. Mes sms, mes mails et même ma lettre sont restés sans réponse.
Je l'ai même croisée deux ou trois fois avant mon déménagement et elle avait volontairement tourné la tête, ne me rendant même pas mon simple bonjour. Elle avait tout fait pour tourner la page sur notre amour et elle était là, comme si de rien n'était, aux côtés de sa mère et d'Anna qu'elle avait pourtant pris soin de remonter contre moi. Je n'avais plus aucune nouvelle de sa sœur avec laquelle j'avais pourtant été si complice et sa maman m'avait gentiment fait comprendre qu'elle ne voulait plus de contacts avec moi lorsque je l'avais appelé afin de prendre de ses nouvelles suite à son opération de la vésicule. J'avais trouvé la vie si injuste. Surtout lorsque j'ai appris par une relation bien intentionnée que ma grande amie Martine sortait avec une certaine Constance. « Tu l'as connait ? » m'avait simplement questionné la copine en question. Je n'avais pu rétorquer tant le sentiment de trahison de la part de Martine était grand. Martine, ma confidente, l'amie qui m'avait soutenue surtout après la rupture. Martine par qui je louais mon appartement et qui m'avait demandé de le récupérer pour y loger sa vieille tante malade. Mais surtout, Martine à qui j'avais déjà accordé mon pardon lorsqu'à plusieurs reprises elle avait ouvertement dragué Constance qui s'était empressée de me le dire. Sans parler de cette fameuse soirée trop alcoolisée organisée par Martine chez elle et qui a été la cause de notre première et ultime dispute entre Constance et moi.
C'est incroyable tout ce qui peut vous remonter à la surface d'un seul regard !
Toutes ces trahisons, tous ces regrets mais surtout tout le vide qu'a laissé Constance derrière elle, me sont revenus à la mémoire et m'ont anéanti en une fraction de seconde.
Je n'ai jamais réussi à revenir dans la partie et Sophie ESPERANTO a été sacrée championne à ma place. Les commentaires des journalistes sportifs ont conclu que j'avais été déstabilisée par une supporter ! La pauvre a dû se culpabiliser. Personne ne pouvait imaginer les vraies raisons de mon échec.
Après avoir chu sur le plan affectif, j'encaissais une nouvelle défaite. J'allais devoir me regarder en face et faire le point de ces derniers mois afin de me reconstruire avant de pouvoir de nouveau me lancer sur les terrains de l'amour et même des compétitions sportives. Je me sentais brisée. Je devais impérativement faire face aux souffrances qui venaient de me scléroser en pleine compétition.
Je me suis enfermée un long moment dans les vestiaires. Mon entraineuse qui était la seule à comprendre et accepter les vraies raisons de mon échec cuisant, m'avait permis cette introspection et faisait le barrage à l'entrée. Personne n'a eu la permission de m'approcher. Pas même ma famille.
Sacha a fini par frapper à la porte :
- Marie, ils sont tous partis, il ne reste plus que nous… que fais-tu ? car moi je dois y aller, Jean-Jacques et les enfants m'attendent.
- Pas de soucis, vas-y… ne m'attends pas, on s'appelle demain. Pardon, Sacha…
- Bon, allez, t'en fais pas, c'est un mauvais moment à passer mais ça finit toujours par passer. Ne t'en fais pas. Allez, courage. Et fais gaffe de ne pas te faire enfermer dans la salle !
- Ouais, merci, Sacha.
J'entends la porte claquer. Je me sens tellement lasse et perdue. Je ne sais plus ce que je dois faire. La douche n'a pas suffit à me permettre de reprendre mes esprits. Tout est confus dans ma tête. Le visage de Constance réapparait sans cesse. Son sourire m'a rappelé tant d'instants forts et complices autrefois partagés. Je me sens dévastée et vide de nouveau. Tous nos souvenirs sont remontés à la surface et m'envahissent.
Je traine des pieds. Je suppose que plusieurs heures se sont écoulées depuis cet instant désastreux et je finis par trouver le courage de sortir de ma cachette. La casquette et les lunettes pour seuls alliés, je baisse néanmoins les yeux comme fautive de quelque chose. J'espère vraiment ne plus croiser aucun regard. Je jette mon sac de sport sur le siège arrière et m'installe au volant de mon 4x4 blanc.
J'allais démarrer lorsque la porte côté passager s'est ouverte me renversant ainsi le cœur de frayeur.
- Tu en as mis du temps, me lance celle qui se retrouve là sans y avoir été invitée.
- …
- Ça va ? On dirait que je t'ai fait peur… je suis désolée, je pensais que tu m'avais vu arriver.
Ma voix déraille un peu lorsque je tente de prendre la parole :
- Qu'est-ce que tu crois ? Que te croiser en plein championnat et au moment le plus important allait me laisser indifférente ?
- Excuse-moi, je ne parlais pas de cela…
- Tu parlais de quoi alors ?
- Du fait que je venais de pénétrer dans ta voiture comme ça…
- Ah… oui… ça,… ce n'est rien. Mon cœur a appris à encaisser les chocs, tu sais ! Bon, qu'est-ce que tu veux Constance ? Tu es venue me voir à terre ?
- Ne sois pas agressive, je… j'ai voulu passer te voir dans les vestiaires mais ton garde du corps d'entraineuse n'a jamais voulu me laisser entrer ! Je ne l'ai jamais trop aimé celle-là mais je crois que c'est réciproque…
- Elle n'a fait que son devoir, elle avait des consignes.
- Anna est venue exprès de Belgique pour…
- Pour me voir échouer ?
- Tu sais, c'est elle qui m'a convaincue d'assister au championnat. Et désormais, elle se sent un peu coupable du résultat... Du coup, elle m'a conseillé de venir te parler…
- Je vois, c'est elle qui t'envoie !
- …
- Je me sentais tellement proche de ta sœur… Je croyais que nous étions amies et que nous pourrions le rester… Sans parler de ta mère ! Mais bon, tout cela, c'est de l'histoire ancienne, n'est-ce pas… C'est pas grave, c'est comme ça, c'est la vie ! Ne vous faites pas de soucis pour moi et surtout ne vous culpabilisez pas. Je suis la seule fautive. J'assume.
- Arrête de te flageller ! J'ai mes torts aussi.
- Oui et alors ? ça change quoi ? Le gâchis est là, faut faire avec.
- Je reconnais que je n'ai pas été toujours très cool avec toi. Aussi bien quand nous étions ensemble qu'après notre rupture…
- Toi, reconnaître tes torts ? C'est encore une idée de ta sœur ? C'est un championnat de merde mais qui restera gravé à jamais comme étant tout de même un jour mémorable. Le jour où Constance a reconnu ses erreurs !!! Incroyable…
- Tu exagères tout de même, je n'ai jamais dit que tout était de ta faute !
- La bonne blague, forcément, tu n'as rien dit… Tu es partie sans explications… Dans ces conditions, c'est facile…
- Je t'ai tout de même dit que je rompais !
- Oui et alors ? Je ne sais toujours pas pourquoi ! Même si cette conne de Josyane a fini par m'apporter un début de réponse… mais ce n'était pas à elle de m'annoncer ta liaison avec l'autre conne…
- L'autre conne, comme tu dis, est ton amie, tout de même…
- Tu parles d'une amie, une traitresse, oui ! De toute façon, on n'est jamais trahi que par les siens…
- Tu exagères tout de même… C'est de bonne guerre, j'étais de nouveau célibataire, elle a essayé !
- Tu parles, elle a essayé avant que nous ne soyons séparées… Et puis, quand bien même, elle savait mes sentiments pour moi… Par amitié, elle aurait dû s'abstenir ! Une chance que tu ne sois pas venue avec elle au championnat ! Merci de m'avoir épargné cela… que je ne la recroise pas celle-là !
- Peu importe, elle a échoué elle aussi.
- Comment ça, elle a échoué ?
- Josyane ne t'a pas dit que ça avait été un échec avec elle ? Ça n'a même pas duré un mois… J'ai très vite compris que ce n'était pas la bonne.
- Au moins, tu t'en seras rendu compte plus vite qu'avec moi.
- Je pense surtout que j'avais besoin de savoir où j'en étais et pourquoi mes sentiments pour toi avaient été si forts en si peu de temps…
- Et tu as eu besoin de te jeter dans ses bras pour le savoir ?
- En quelque sorte, cela m'a permis de réaliser que je t'avais dans la peau et que je ne pouvais pas t'oublier comme ça…
- Mouais, ça me fait une belle jambe de le savoir. Le mal est fait. Tu pouvais sortir avec la terre entière sauf elle…
- Tu parles, nous avions bu…
- L'alcool a bon dos… Martine ne buvait soit disant jamais !
- Peu importe… c'est comme ça. Et puis, tu es partie de ton appartement de Meyzieu. Tu as même changé de téléphone après ton déménagement en urgence…
- La faute à ta petite copine ! Elle m'a évincée en beauté, cette garce !
- Tu n'étais pas obligée d'aller vivre chez mon ex pour autant !
- Ne mélange pas tout, Angèle est une amie, une vraie… Pas une de celle qui attend que vous ayez le dos tourné pour vous piquer la femme de votre vie ! Une des rares personnes en qui j'ai encore confiance.
- Tu parles, elle te considère tout de même comme la compagne idéale !
- Ah bon ? Sans blagues, je n'en savais rien. Elle ne m'a jamais rien dit. Tu es sûre ?
- Pourquoi avoir choisi d'aller vivre chez elle, tout de même !?! C'est hallucinant. Elle est célibataire en ce moment et elle ne t'a pas branchée ?
- Pfff… Faut pas tout mélanger. Je n'avais nulle part où aller et voilà, nous cohabitons depuis plusieurs mois et ça se passe très bien. De toute façon, je suis rarement à la maison entre les entrainements la semaine et les matchs le week-end…
- Tu es toujours aussi naïve, tu ne vois vraiment rien !
- Si… je t'ai vu, toi… tout à l'heure et ça a causé ma perte !
- Je te remercie.
- C'est pourtant la vérité.
J'ose enfin l'affronter en la regardant une nouvelle fois dans les yeux :
- Tu sais quoi, Constance ? ça me détruit de croiser ton regard ! Il vaut mieux que tu t'en ailles maintenant… Tu as fait assez de dégâts comme ça…
- Marie…
- S'il te plaît.
(...)