Marie Mahn

Marie Mahn

21/04/2008 Qui perd gagne (partie 2/4)

(...)

 

Elle sort de la voiture sans ajouter un mot. Je suis une nouvelle fois paralysée. Incapable de réagir. Je me jette sur le volant et pleure comme une gamine. Tous ces mois de souffrance retenus se déversent enfin. Je suis anéantie.

 

On frappe au carreau. Constance me fait signe d'ouvrir. Je remets tant bien que mal le contact pour ouvrir la vitre électrique. Je suis devenue pataude et ne m'en sors pas. Constance finit par ouvrir ma portière et me jette :

-          Allez, sors de là,…

-          Qu'est-ce que tu fous encore là ?

-          Tu ne vois donc rien ?

-         

-          Ma mère et ma sœur m'ont laissé-là, je suis sans voiture parce que je voulais… 

-          Ah ? Et alors, tu abuses, je ne suis pas taxi, moi !

Vexée, elle me claque la porte au nez. J'entrouvre alors la portière en lui criant :

-          Bon, ça va, excuse-moi… C'est bon, viens, je vais te raccompagner…

Rien n'y fait, elle ne se retourne pas et trace son chemin. Je me ressaisie et démarre la voiture pour m'approcher d'elle et tenter de la convaincre de remonter dans l'auto. Elle presse le pas sur le trottoir comme si un satyre tentait de la suivre. J'essaie toutes les méthodes, des plus douces aux plus dures en passant par l'humour et même le chant :

-          Allez, tu sais bien que je suis conne… tu te souviens de la chanson de Brigitte Fontaine que tu aimais tant que je te chante ? « Je suis malheureuse… parce que je suis conne… » Eh bien, tu vois, c'est tout moi !

-         

-          Bon, merde, tu es toujours aussi têtue ! Tu es vraiment exaspérante à la fin !

-         

-          Mademoiselle, vous vivez toujours chez votre mère ?

-         

-          Bon, Constance, c'est bon, je me suis excusée…

Après avoir roulé au pas à ses côtés, j'ai fini par m'emporter et j'ai alors stationné la voiture à la Starsky et Hutch sur le trottoir pour essayer de lui bloquer le passage et suis sortie en trombe :

-          Tu crois m'impressionner comme ça ? s'insurge-t-elle.

-          Et comme ça ?

Je me surprends à l'embrasser avec fougue ! Je ne sais pas ce qu'il m'a pris. C'est tout juste si je ne l'ai pas coincée sur le capot. Je me sens toute bête et recule d'un pas tout en ajoutant, penaude :

-          Excuse-moi… je… c'est très con de ma part… je… je suis vraiment désolée…  

-          Pourquoi ?

-          Je ne sais pas… j'en avais tellement envie que je n'ai pas réfléchi aux conséquences…

-          Pourquoi t'excuser dans ce cas ?

-          Parce que… c'est ridicule de ma part, je…

-          Tu n'as toujours rien compris ?

-          Compris quoi ?

-          Rien, laisse-tomber et raccompagne-moi.

-          Où ? Chez ta mère ?

-          Non, chez moi.

-          A Meyzieu ?

-          Oui.

-          Et tu avais prévu de faire vingt kilomètres à pieds ?

-          Ça va, je peux me débrouiller seule. Je peux encore faire du stop !

-          Allez, c'est bon, je te raccompagne.

Ce sont les derniers mots que nous nous sommes adressés de tout le trajet. Cette demi heure en sa compagnie m'a semblé long et court à la fois. J'aurai aimé être de nouveau huit mois en arrière lorsque nous faisions le trajet pour aller voir mes parents à l'autre bout de la France. Nous étions tellement bien ensemble. Constance adorait mes parents et a contribué au fait que je me rapproche d'eux. D'ailleurs, ils la considéraient comme une deuxième fille. Il y avait une telle complicité entre eux, c'était émouvant. Ils ont été déçu de notre rupture même s'ils n'en ont pas été si surpris ; ils avaient senti que quelque chose clochait depuis quelques semaines entre nous. Constance buvait de plus en plus et devenait de plus en plus dure avec moi. Elle me maltraitait verbalement comme si elle me reprochait inconsciemment notre union.

 

Elle avait une façon bien à elle de me prouver son amour. Elle devenait tellement maladroite que je me braquais aussi de plus en plus.

 

Elle n'assumait pas son homosexualité et n'avait réussi à en parler qu'à sa meilleure amie aujourd'hui disparue et à sa sœur Anna qui m'adorait. Souvent, elle m'engueulait simplement parce qu'elle trouvait que j'étais la femme parfaite et ça l'agaçait que sa sœur le lui rappelle si souvent.

 

D'un autre côté, elle n'arrivait pas à affronter sa mère et encore moins le reste de sa famille. Elle avait peur du qu'en dira-ton. Peur du jugement de ses collègues également ou pire, elle craignait qu'on apprenne que Madame BLOND, la prof d'histoire du collège privé de notre ville de trente mille habitants, était lesbienne ! Tu imagines le scandale, me répétait-elle sans cesse, dans un lycée catho ? Et alors, lui répondais-je alors, faut pas tout mélanger, tu n'es pas en train de détourner une élève ? Je suis majeure et vaccinée et même consentante ! Tu n'es pas pédophile, Constance, juste lesbienne ! Et alors ?

 

Notre vie était devenue insupportable. Nous devions faire des kilomètres pour aller au restaurant, au cinéma, à la piscine ou même pour aller nous promener dans les bois. Il ne fallait prendre aucun risque, clamait-elle sans cesse. Bêtement, je rentrais dans son jeu et acceptais toutes ces contraintes que je trouvais pourtant ridicule uniquement pour la satisfaire.

 

Qui a dit, pour vivre heureux, vivons cachés ? Quelle connerie ! Pourtant, j'ai suivi, par amour. Parce que j'étais aveugle et sourde dès qu'il s'agissait de Constance et de ses désirs. Je l'aimais tellement.

 

J'ai aimé Constance comme je n'ai jamais aimé. Pas même Philippine.

 

Pourtant Philippine et moi avons vécu 5 années de hauts et de bas mais vécu tellement intensément.

Notre relation amoureuse n'aura pas duré autant entre Constance et moi mais je crois que cet amour aura été tout de même le plus fort. Elle était pourtant jalouse de la relation que j'avais eue avec Philippine et ne voulais pas entendre que c'est elle qui m'avait renversé le cœur et c'est elle qui occuperait toujours une place de choix dans celui-ci. La preuve.

 

Je crains de ne jamais pouvoir aimer autant un jour. Elle est partie en me laissant orpheline de cœur.

A tout jamais.

 

Mes pensées m'emportent et lorsque je reviens à la réalité, nous approchons de la demeure de Constance. J'ai refait le trajet comme par automatisme, sans même m'en apercevoir. Tout en étant plongée dans mes pensées et nos souvenirs. Je réalise d'un coup qu'il est plus dangereux de conduire dans un tel état second qu'avec un portable à la main… mais va expliquer cela aux gendarmes !

 

(A suivre)



21/04/2008
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