Anne Gaillard, écrivaine
Présentation
Avec un nom digne de celui d'un éditeur, Anne Gaillard a débuté dans l'écriture via l'écriture de son blog http://nonolive.hautetfort.com/ et s'est vue publier sa première nouvelle en participant au concours Immersion Totale, organisé l'an passé par Adventice avec le partenariat de La dixième muse.
Cette artiste en herbe n'a rien à envier aux auteures de sa génération et la fluidité de son texte, la justesse de ses mots présagent d'une belle carrière si celle-ci perdure dans cette voie.
Vous pouvez découvrir son texte « Ballade marseillaise » parmi dix autres, à la page 97 de ce recueil de nouvelles publié et diffusé chez Adventice au tarif de 14,50 €...
(lien : http://www.adventice.com/store/detail/18407/immersion_totale.html?qid=47587)
Et pendant que vous y êtes, ne ratez non plus la lecture de celle de Fanny Mertz, à la page 43, « Sans fil » ...
Vous trouverez ci-joint la deuxième nouvelle d'Anne Gaillard, « Pour le meilleur et pour le pire » qu'elle nous fait l'honneur de partager avec vous par l'intermédiaire de mon blog.
Et n'hésitez pas, faites comme moi, incitez-la à continuer dans l'écriture mais pas dans la chanson... lol... en lui écrivant sur son e-mail : nono4738@yahoo.fr
Anne Gaillard
POUR LE MEILLEUR ET POUR LE PIRE
J'ai mal. Il fait froid. Où suis-je ? J'entends des bruits. J'essaie de les reconnaître. Mais je ne perçois que ma douleur. Tout mon corps semble meurtri. Pourquoi je n'arrive pas à ouvrir mes yeux ? Je veux crier. Mais rien. Maman ! J'ai mal ! Maman ! Cette voix. Tu es là. A côté de moi. Je me concentre pour faire taire cette douleur et comprendre tes paroles. Tu parles à un homme. Un médecin ? Non. Un policier. Pourquoi ? L'homme parle de "salopards ". Qui sont-ils ? Tu réponds " non ". " Elle a des tords ". " Elle les avait cherchés ". " Elle aurait du se faire soigner ". " Elle trouvera le réconfort dans la foi ". " Elle retrouvera le chemin de Dieu ". Mais que s'est-il passé ?
Caroline. Je me rappelle. Mon amour. Je le lui ai avoué. Je l'ai embrassée. Son frère. Paul. Il nous a surprises. Elle a eu peur. M'a repoussée. A dit que je l'avais forcée. Elle fuit. Je veux la rattraper. Son frère me retient. "Ne touche plus à ma sœur sale Gouine ". " Sinon, je te fais ta fête ". Je lui explique que je l'aime. Rien de mal à cela. Il me repousse. " Je te promets, si tu continues, je te tue ".
Je rentre chez moi. Je vais tout dire. J'ai trop longtemps garder ce secret. Il me ronge depuis l'enfance. Maintenant que Paul sait, tout le village va être au courant. J'entre. Je cours vers ma mère. " Je suis homosexuelle ". " Chut, il ne faut pas que ton père l'apprenne ". Il rentre. " J'ai rencontré Paul. Tu es folle ! " " Non, je suis amoureuse ". " Ce n'est pas de l'amour mais de la perversion. Tu as un choix à faire. Soit tes valises. Soit le psy ". " Je ne suis pas malade ". " Alors quitte cette maison ". " Maman ! " " Ton père a raison ". " Ce n'est pas ta faute ". " Je l'ai lu, c'est à cause d'un gène ". " Maman ! " " Papa ! " " Fais-toi soigner ou pars ".
Je m'en vais. De toute façon, j'étouffais dans ce village. Je pars pour Toulouse. La ville rose. Je serais libre là bas. Je vais chercher Caroline. On va partir toutes les deux. On sera libre là bas.
Caroline ne veut pas m'ouvrir. Elle me supplie de m'en aller. Elle n'est pas comme moi. Elle est normale. Elle ne désire pas partir avec moi. Elle va accepter la demande en mariage de Luc. Elle veut que je la laisse tranquille. Mais elle a peur . " Ne croise pas Paul ". " Il est devenu fou. " " Ne croise pas son chemin. "
Je pars. Triste mais libre. Je vais bientôt renaître. Loin de mon berceau. Loin de mon village. Loin de cette hostilité. Loin de cette incompréhension. Loin de cette haine. Loin de cette peur de la différence. Loin de cette peur de l'inconnu. Et l'inconnue, c'est moi. Une fille du village. C'est absurde.
Je marche. Je rêve à Toulouse. Je souris à ma future vie. Mes jambes s'arrêtent. Pourquoi ? Trois hommes me font face. Ils me font peur. Pourtant ce sont Paul, Luc et Mathieu. Comme les évangélistes. Sauf qu'ils ressemblent plus à des anges apocalyptiques. Ils se rapprochent de moi. Je veux courir. Mes jambes me font défaut. Paul est menaçant. Terrifiant. " Je t'avais prévenue de ne plus t'approcher de ma sœur ". " Tu te prends pour une dure ". " Pour un mec ". " Mais tu n'as pas de couille ". " Tu n'en auras jamais ". " Tu n'es qu'un ersatz ". " Tu n'as jamais vu de queue de ta vie ". Luc. " Ou sinon, tu es tombée sur des pédés, qui n'ont pas su te faire jouir ". " C'est pour çà que tu es devenue cette merde de lesbienne ". Paul. " Elle veut peut être qu'on la remette dans le droit chemin ".
Mathieu . " On va lui montrer ce qu'est un vrai mec ". Luc. " En tout cas après ce qu'on va lui mettre, elle ne s'approchera plus de ma future femme ". " Rien de penser qu'elle l'a embrassée, çà me donne envie de vomir ".
Ils se rapprochent de moi. Je suis tétanisée. Pourquoi cette haine ? Eux que je connais depuis ma naissance. Eux avec qui j'ai fait les quatre cents coups. Eux avec qui j'ai fumé ma première cigarette. Eux avec qui j'ai effectué la tournée des bals. Mathieu, mon amoureux à la maternelle. Paul, m'a appris à faire du vélo. Luc, que j'ai consolé maintes fois. Je ne les reconnais plus. Ils ne sont plus hommes. Ils sont monstres. Ils transpirent la haine. Elle déforme leur âme.
Enfin mes jambes m'obéissent. Je m'enfuis. Ils me poursuivent. Je crie. Je hurle. " A l'aide ". Personne à la rescousse. Les fenêtres, les portes restent closent comme si tout le village m'avait jugée. Ils me rattrapent. Je ferme les yeux. Je ne veux pas affronter la réalité. Ils me tiennent. J'ai mal. Au ventre. Au visage. A la mâchoire. Un liquide visqueux coule sur mon visage. Le goût de sang est de plus en plus fort. J'essaie de me réfugier au fond de moi. Mon corps n'est que traumatisme. Les coups s'arrêtent. La fin du calvaire ? J'ai froid. Je comprends. Ils ont déchiré mes vêtements. Paul. " Je vais t'apprendre à aimer la bite ". Un coup de poignard. Au bas du ventre. Je crie de douleur. Çà les excite. Je sens un frottement entre mes cuisses. Je m'enfonce au plus profond de moi. Un gouffre. Je plonge dans l'abîme.
Je comprends. Je suis à l'hôpital. Le docteur. " Votre fille a subit un très grave traumatisme ". " Nous ne pouvons pas déterminer le jour de son réveil. ". " Sollicitez là. " " Parlez lui ". "Créez un pont entre notre monde et celui dans lequel elle s'est enfuie. " Mais silence. Pas un mot de Maman. Pas une prière. Un " je t'aime " aurait suffit.
Je ne veux pas me réveiller. Je ne veux pas vivre dans ce monde. Où la différence effraie. Où le conformisme domine et écrase les minorités. On dit que les mentalités évoluent. Je ne pense pas. Les gens se censurent. Mais dans leur « chaire », la haine est là. Elle est sournoise. Elle est lâche. Tapis dans l'ombre. Elle attend son heure. La haine survira à l'homme. Je ne veux pas me réveiller.
Un mot surgit. Vengeance. Justice, Plutôt. Je veux. J'exige réparation. Je refuse que ces monstres gagnent. Qu'ils se croient dans leur bon droit. J'ai été leur victime. Maintenant je serais leur conscience. Justice.
Une main. De la douceur. De la tendresse. De l'amour. Mon amour. Caroline. Tu regrettes. Tu pleures. Tu m'aimes. Ils ont perdu. Car tu es là. On va partir. Maintenant, notre ville est rose. Notre vie est rose. On va se battre. Pour que notre amour explose au grand jour. Pour que notre amour soit éternel. J'ai besoin de force pour me réveiller. Je la puise en toi. Ma femme. Ma seule raison de vivre.